PRÉLIMINAIRES
Télécharger le rapport final du Dialogue inter ComorienPlus de 2 ans après avoir relativement négligé l’évolution de la situation de l’archipel, notamment suite à la manière indécente avec laquelle M. Ramtane Lamamra (alors Envoyé Spécial du Président de la Commission de l’UA) venu proposer des mesures d’apaisement), fut traité à Beit Salam, la Commission de l’Union Africaine s’est résolue à essayer de trouver une issue à la crise politico-institutionnelle persistante qui menace l’unité nationale et la cohésion sociale, malgré les dénégations du pouvoir du colonel Assoumani Azali.

L’opinion nationale et toute personne de bonne foi ne peuvent qu’observer que non seulement la solution d’un Dialogue National pour l’organisation d’un chantier électoral ne saurait se concevoir de manière objective et transparente sans se référer à l’accord-cadre de réconciliation nationale co-signée notamment par l’UA en 2001, mais en outre, la Communauté Internationale ne peut que constater que les mesures prônées pour sortir du climat de défiance de l’opposition politique, de la société civile et de la diaspora à l’égard de la gouvernance actuelle sont mises sous paillasson par le pouvoir illégitime et illégal qui perdure, au-delà de l’échéance du mandat présidentiel constitutionnellement prévue le 26 Mai 2021.
De ce constat, il en résulte diverses raisons pour lesquelles le Front Commun des Forces Vives et les différentes composantes de l’opposition comorienne opposent un refus à ce Dialogue dit National, tel que décrété par le pouvoir de fait. Sans aucune concertation autre que celle de ses partisans et courtisans et, surtout sans prendre nullement en compte les préoccupations mises en exergue par les organisations internationales et partenaires au développement concernant les prisonniers politiques, le non-respect de la liberté d’expression, ainsi que de l’ensemble des libertés publiques et autres violations permanentes des droits de l’homme et du citoyen, hors de tout cadre juridique et judiciaire.
Toutefois, par souci de clarté et de concision, à travers le présent mémorandum, le Front Commun des Forces Vives entend justifier et confirmer sa position, en mettant en évidence les deux principaux facteurs dissuasifs suivants :
- Le non-sens d’un Dialogue dit National excluant la clarification du cadre institutionnel visé, en l’occurrence l’ordre constitutionnel impliquant une Présidence tournante et l’Autonomie des îles.
- La défiance généralisée des forces d’opposition politique et de la société civile envers la personne du Colonel Assoumani Azali dont les principales caractéristiques sont la fourberie, le non respect des engagements pris, ainsi que la répression brutale et sanglante érigés en mode de gouvernement.
I-A PROPOS DU CADRE INSTITUTIONNEL
Suite à une période longue et douloureuse d’instabilité politique chronique marquée par différents coups d’État, d’interventions étrangères et de séparatisme insulaire, les Comores ont adopté un Accord Cadre de Réconciliation Nationale, le 17 Février 2001 à Fomboni-Mohéli.
Réalisé avec l’appui de l’UA et de l’OIF, agissant au nom de l’ensemble de la Communauté Internationale, cet événement s’est traduit par la mise en place d’un ordre constitutionnel ayant permis 15 années de stabilité politique et d’alternance démocratique à tous les échelons de l’État (Présidence de la République, Assemblée Nationale, Conseil des Iles et Communes).
Malgré les problèmes inhérents à un Petit État Insulaire pauvre et soumis aux aléas climatiques, l’Union des Comores avait pu parachever le programme dit de l’IPPTE et allait enfin, pouvoir se consacrer aux Objectifs du Développement Durable des Nations Unies et à l’Agenda 2063 de l’Union Africaine.
Malheureusement, à son retour au pouvoir le 26 Mai 2016, après une élection particulièrement tendue et marquée par un 3e tour de scrutin inédit, le Colonel Assoumani Azali décida de considérer que cette expérience institutionnelle stabilisatrice et démocratique (malgré ses imperfections) n’est qu’une sorte de « garrot sur une blessure déjà guérie » et dont il fallait se débarrasser.
Dans cette optique fondée sur une logique destructrice des institutions républicaines, et profitant d’une initiative de la société civile en vue d’assises citoyennes visant l’évaluation du pays depuis l’accession à l’indépendance, selon une démarche inspirée du concept dit de « vérité-réconciliation », il usa et abusa de sa prééminence de Chef de l’État, pour relancer le pays et la nation dans un cycle de captation personnelle et clanique de l’État. Au risque d’un retour à la déstabilisation permanente et à une balkanisation du pays déjà marqué par l’occupation sécessionniste à Mayotte et le séparatisme à Anjouan, sous le prétexte fallacieux d’un programme chimérique de passage à l’émergence économique à l’horizon 2030.
De ce fait, malgré un référendum boycotté à 80% (selon les observateurs internationaux) et davantage (selon les nationaux), le Colonel Assoumani Azali imposa une nouvelle constitution en Juillet 2018, taillée à sa propre mesure, en vue de s’éterniser au pouvoir.
En mars 2019, il organisa une nouvelle mascarade d’élection présidentielle anticipée que les observateurs de l’Union Africaine ont estimé impossible d’évaluer. Une démarche qui n’est rien d’autre qu’une « fuite en avant » ayant précipité la nation entière, sa forte diaspora incluse, dans un clivage entre deux camps inconciliables, à savoir : d’un côté, les collaborateurs d’une dictature militaire sanglante illégale et ilégitime et, de l’autre, les partisans d’une résistance populaire attachée à l’État de droit, exigeant notamment la mise en œuvre de la Présidence tournante qui devait avoir lieu depuis le 26 Mai 2021, respectueuse de l’Autonomie des Iles et à même de promouvoir une bonne gouvernance politique, économique et sociale.
II-LA DÉFIANCE ENVERS LE COLONEL ASSOUMANI AZALI
Reprenant le terme de « défiance », euphémisme du langage diplomatique, pour caractériser l’attitude générale de l’opposition politique et des organisations de la société civile dans la pluralité de ses expressions, il s’agit de refléter à minima le sentiment prédominant au sein de la population à l’égard de la gouvernance du Colonel Assoumani Azali. A telle enseigne qu’il est légitime de déduire que sa présence à la tête de l’État constitue en soi une menace à l’égard de l’unité nationale et un défi à relever pour les règles communément admises du vivre ensemble.
En appui à la pertinence de ce constat, si besoin est, nous citons les quelques faits incontestables ci-après, faisant du Colonel Assoumani Azali le prototype d’une personne ayant bénéficié des moyens de l’État pour son éducation par l’enseignement public de son enfance à sa graduation dans l’armée nationale, notamment par le biais de la coopération bilatérale et internationale, pour consacrer ensuite sa carrière, par ses propos et ses actes incompatibles avec les plus hautes fonctions, à la démolition des institutions de la République et au piétinement des valeurs fondamentales de la cohésion nationale et sociale, ainsi qu’au respect de la dignité humaine.
En effet, loin de pouvoir afficher une quelconque fierté dans la défense du pays, face à des agressions étrangères d’une bande de mercenaires, et encore moins devant les impératifs du parachèvement de l’indépendance nationale par l’intégrité territoriale, le Colonel Assoumani Azali n’hésita guère, en 1992, à agir comme un soldat de fortune, en exposant sur le capot d’un véhicule, tel un trophée, le corps d’un sous-officier, dans un contexte de rébellion d’une partie des forces armées face à une déliquescence de l’État gangrené par le népotisme et la corruption.
En 1999, en pleine crise séparatiste conduisant la communauté internationale à se mobiliser pour une conférence à Antananarivo (Madagascar) pour contribuer à une recherche d’une difficile réconciliation nationale, il saisit l’occasion pour orchestrer une « chasse à l’homme » dans la capitale, contre les originaires de l’île d’Anjouan et, dans la foulée, réaliser un putsch militaire sous le prétexte d’une « interposition », malgré la mise en garde des autorités légales.
En 2002, lors des premières élections consécutives à l’Accord Cadre de Réconciliation Nationale, il suscite un climat tel que deux candidats retenus à l’issue des primaires finirent par se retirer du scrutin. Candidat alors unique à sa propre succession, il dut faire appel à des juristes extérieurs, hors de tout principe de souveraineté nationale, pour valider sa forfaiture et habiller son investiture d’un semblant de légalité internationale.
De 2002 à 2006, face aux échecs successifs de son parti politique aux différentes élections gubernatoriales, législatives et des conseillers des îles autonomes, il s’évertua à entretenir un conflit de compétences avec les autorités insulaires, jusqu’à ce que la communauté internationale mette une force de sécurisation des élections, l’AMISEC, afin d’assurer une alternance démocratique, apaisée et transparente, après avoir vainement essayé d’aider le pays à solutionner les dysfonctionnements permanents et les confrontations récurrentes entre les autorités aux différents échelons du Nouvel Ensemble dénommé l’Union des Comores.
En 2006, à l’occasion de l’investiture de son successeur démocratiquement élu, avec un résultat de près de 60%, il s’engagea dans un discours d’autoglorification, hors de propos, qui provoqua la colère et les huées les plus inattendues de l’assistance, devant une communauté internationale médusée.
De 2006 à 2016, les Comores ont ainsi connu des alternances démocratiques régulières, malgré la tentative du Colonel Mohamed Bacar de s’imposer par la force à Anjouan. Ce qui a nécessité l’intervention militaire avec succès de l’UA que le Colonel Assoumani Azali désapprouva publiquement et dont le parti de son actuel Ministre de l’Éducation nationale (et ex-Ministre de l’Intérieur à l’époque, du Colonel M.Bacar) qualifie de « débarquement putschiste ».
Malheureusement, dès son retour au pouvoir, après 10 années durant lesquelles il n’a subi aucune restriction à sa vie publique ou privée, il ne tarda pas à reprendre et amplifier ses pratiques d’antan, notamment par:
- l’emprisonnement sans aucune forme de procédé de l’ex Président Sambi, du Gouverneur élu Abdou Salami et autres personnalités ayant contribué à sa réélection, croyant à sa propagande mensongère selon laquelle, il aurait tiré des leçons de ses expériences négatives ;
- la généralisation des arrestations et des pratiques de torture contre les opposants dont nombreux désormais contraints à l’exil pour échapper à la prison ou au pire ;
- la confiscation des libertés publiques, notamment d’opinion et l’emprisonnement de journalistes ;
- la suppression par un acte règlementaire de la Commission Nationale Anti-corruption et de la Cour Constitutionnelle remplacée par une Cour Suprême dont il est le seul à nommer tous les membres ;
- les assassinats de gradés dans des camps militaires, ainsi que du Président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), sans que la Justice soit saisie de la moindre enquête;
- l’organisation d’une mascarade référendaire, d’une présidentielle anticipée pour mettre fin à toute velléité d’alternance au sommet de l’État, ainsi que de législatives et des communales excluant même les candidats issus de « l’Alliance de la Mouvance Présidentielle ».
- l’appropriation indue de la fonction de guide religieux par simple homonymie avec une sommité intellectuelle de l’Histoire de l’islam qu’est l’Imam Al-Ghazali, ainsi que la violation des règles et des tenues traditionnellement réservées aux pratiques coutumières dans le pays ;
- les déclarations publiques dangereusement scandaleuses selon lesquelles les Wangazidja seraient supérieurs aux autres insulaires, parce que Dieu aurait choisi de les désigner comme étant des « grands comoriens » nés sur l’île géographiquement la plus proche de la Kaaba ;
- Et qu’en outre, nul ne devrait se plaindre d’une fraude électorale voulue par la Toute Puissance divine.
- etc…
En somme, les Comores ayant connu une dizaine de Chefs d’État en 47 années d’indépendance, il convient de noter que le Colonel Assoumani Azali a gouverné le pays, à lui seul pendant plus de 12 ans, non incluses les nombreuses années en tant que Chef d’État-Major de l’armée.
Il incarne ainsi plus que tout autre une instabilité politico-institutionnelle chronique et une mal gouvernance prédominante. Durant son premier mandat, il fut déjà accusé, officiellement par un expert international jamais démenti, du détournement de 40 millions d’euros sur les maigres ressources du Trésor public. Pour ce dernier mandat, il est classé en 4ème position sur les 10 premiers Chefs d’État africains, en termes de rémunération. Pour un pays parmi les plus pauvres au monde et qui subit, ces dernières années, encore davantage une dégringolade sur le classement à l’échelle internationale du Doing Business tout comme de la liberté de la presse, il s’est révélé ainsi en homme si peu soucieux du sort d’un peuple dont plus 20.000 personnes ont été englouti en mer, en voulant fuir la misère, sur une population qui n’atteint guère le million d’habitants.
Pour réaliser ses objectifs d’un pouvoir personnel n’ayant d’autre visée que se pérenniser, il y a lieu de reconnaître que le Colonel Assoumani Azali a su se distinguer par des aptitudes au camouflage des intentions par des mensonges éhontées et à l’usage immodéré de la corruption et de la répression, ainsi que, surtout par le recours aux coups d’État, qu’ils soient militaire, constitutionnel et/ou électoral.
EN GUISE DE CONCLUSIONS :
Le Front Commun des Forces Vives n’entend point s’associer à un Dialogue dit National, qui consiste à légitimer une forfaiture supplémentaire, fort probablement fatale pour l’unité nationale et la bonne gouvernance déjà en catastrophe. Cela, à travers la préparation d’une énième mascarade d’un homme qui, en moins d’un demi-siècle, confisqua pendant une vingtaine d’années cumulées, l’exercice du pouvoir, en tant que Chef de l’état-major de l’Armée et Chef de l’État. Contribuant ainsi à maintenir les Comores dans un sous-développement chronique, ayant entraîné la disparition des milliers de nos jeunes compatriotes, hommes, femmes et enfants, en mer méditerranée et sur le bras de mer entre Anjouan et Mayotte.
Dans un contexte sous régional marqué par l’émergence des violences armées, en particulier du djihadisme, le Front Commun des Forces Vives ne saurait qu’envisager une Conférence Nationale de Sortie de Crise, permettant une Transition Démocratique vers le rétablissement d’un ordre constitutionnel, garantissant la stabilité, la cohésion nationale et sociale, la démocratie et la bonne gouvernance en vue d’un développement humain durable, en cohérence avec les ressources du pays et en partenariat avec la coopération internationale bilatérale et multilatérale.
En conséquence, le Front Commun réitère solennellement sa détermination à assumer ses responsabilités politiques et historiques aux fins de mettre un terme, dans les meilleurs délais, à l’autocratie et à la gabegie pour la reconstruction de l’État de droit auquel aspire ardemment le peuple comorien, au pays comme au sein de sa diaspora dont sa contribution à toutes les réalisations de la Nation reste hautement et positivement incontournable.
En effet et malheureusement, en ce début d’année nouvelle, le monde entier vient de découvrir un trafic clandestin de drogue et de lingots diligenté par des hauts responsables et des enfants de hauts dirigeants de l’État, y compris dans l’appareil judiciaire. Ces pratiques scandaleuses à un niveau ahurissant confirme bien que l’urgence s’impose de dégager un tel pouvoir mafieux, pour redonner honneur et crédibilité à l’Union des Comores, tant à l’intérieur du pays qu’à l’échelle de la Communauté des Nations.
FRONT COMMUN DES FORCES VIVES COMORIENNES
C’est le rapport final du dialogue inter comorien.
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