Du 12 au 15 Sept dernier, une mission de l’UA, dirigée par le Commissaire Bankolé ADOYE, a séjourné à Moroni, conformément à la décision prise par le Conseil en charge des Affaires Politiques, de la Paix et de la Sécurité, le 1er juin 2021. Décision confirmée et notifiée à l’ambassade, après un entretien avec le Colonel Assoumani Azali, alors en transit à l’aéroport d’Adis Abeba.

Le protocole diplomatique basé sur la souveraineté des Etats voulait que le pays hôte informe la population de la non-objection et fasse l’invitation officielle. Mais, comme à ses habitudes mensongères, le Colonel n’hésita pas à s’attribuer l’initiative, en pleine cérémonie d’Awwal Muharram, 1er jour de l’an musulman. Passons ! De ce séjour, il conviendrait donc de retenir, principalement, les faits et propos suivants :
- C’est l’opposition politique et les organisations de la société civile qui n’ont eu de cesse d’alerter l’opinion publique et solliciter la Communauté Internationale notamment les NU, l’UE et l’UA, sachant que les conventions en matière de situations conflictuelles exigent que ce soit l’organisation régionale directement concernée qui prenne les devants.
- La mission n’a pas jugé utile de consulter ni l’Assemblée Nationale ni la Cour Suprême, pour les raisons que chacun peut deviner aisément.
- Contrairement à ce qui fut annoncé, la mission ne s’est pas rendue à Mohéli et Anjouan. Les semblants de Gouverneurs des iles “constitutionnellement “autonomes” furent ainsi réduits à des supplétifs qu’on convoque pour un bref entretien. Ne pouvait-on pas y conduire la mission sans devoir afficher un déploiement sécuritaire disproportionné et injustifiable ?
- Juste après l’entretien à Beitsalam, le locataire se montra nerveux, menaçant un journaliste de media d’Etat et toute personne qui lui parlerait de prisonniers politiques. Tout en insistant sur son credo de “l’inter-comorien” comme seul cadre de règlement de toute crise politico-institutionnelle, nul autre ne pouvant s’avérer judicieux, selon ses vœux. À se demander pourquoi il aurait alors pris le soin de “rencontrer et inviter » un émissaire de si haut niveau ? Toujours est-il que, depuis, on n’entend guère le pouvoir et ses thurifères pavoiser, cherchant plutôt à convaincre (pour ne pas dire prier) l’opposition de ne pas pratiquer la politique de “la chaise vide”. Curieux sollicitation tout de même pour un régime qui a tout fait pour qu’il n’y ait aucune expression dissonante, ni dans la rue, ni au Parlement, ni à l’échelle des communes, encore moins dans l’appareil judiciaire, l’ordre des avocats y compris.
Pour sa part, à sa conférence de presse, le Commissaire B.ADOYE s’est livré à un véritable exercice d’équilibrisme, jonglant entre la courtoisie diplomatique et l’énonciation des motifs de la mission, ainsi que les résultats de ses consultations, à savoir :
- Il s’agirait d’un pays calme mais nécessitant pourtant le déplacement d’une forte délégation continentale afin de permettre un dialogue devenu impossible entre les insulaires, subissant le recours permanent et violent des forces de répression. Un calme plus que relatif, d’autant que les organisations politiques et socio-économiques avaient choisi une trêve, le temps des consultations diplomatiques correspondant aux premières journées des épreuves du baccalauréat, (en retard de 3 mois !)
- Il ne saurait être question de concevoir un Etat démocratique sans une opposition solide et constructive. Une manière de rappeler, sans crier gare, l’impératif du respect des libertés publiques et constitutionnelles d’expression, de réunion et de manifestation, comme seule garantie de toute concorde nationale
- Le pouvoir nie l’existence de prisonniers politiques. De mauvaise foi ou de bonne guerre ? Soit ! le Commissaire insista sur la nécessité de procéder au jugement des “détenus”, selon les normes judiciaires équitables. Lesquels ? Pourquoi parler devant la presse de ce qui n’existerait point, jusqu’a évoquer les jeunes Mabedja, tel un clin d’œil à la diaspora ? Bref, il ne faisait peut-être que discourir sur le principe universel selon lequel toute personne est innocente jusqu’a preuve du contraire et ne saurait donc être emprisonnée indéfiniment, sans procès équitable. À moins que la justice locale ne se déshonore, ce que nul n’ignore. À l’évidence, la mission de l’UA ne pouvait donc point méconnaitre le rapport accablant de l’Envoyé Spécial à Moroni du SG des NU sur ce sujet précis, ni celui du Conseil Africain des Droits de l’Homme et des Peuples à Banjul. Encore moins les multiples condamnations du Gouvernement comorien par le Conseil des NU, à Genève, devant les violations constantes des Droits de l’Homme
- Nul besoin de conditions préalables au dialogue, souligna t-il, tout en proposant plutôt d’incontournables “mesures de confiance”. Pardi ! Un pouvoir populaire ferait-il recourir à la Communauté Internationale pour espérer diluer la méfiance du peuple à son égard ? En son temps et pour sa vaine tentative de dialogue, le Commissaire Ramlatane LAMAMRA ne réclama que quatre “mesures d’apaisement” qui lui firent subir un traitement indigne à Beitsalam, le conduisant à refuser toute autre mission aux Comores. Position réitérée par son compatriote et successeur Ismail CHERGUI jusqu’a la fin de son mandat. Laissant le Colonel Assoumani Azali s’enfoncer dans l’impasse aventurière et absolutiste de la mascarade référendaire et des élections “mon bon plaisir” qui ne débouchèrent que sur la non-reconnaissance de toute légalité et légitimité, aux yeux des citoyens. Malheureusement pour la population en souffrances, prise en tenailles par les exigences quotidiennes de la survie, l’action diplomatique se projette sur le temps long.Tant pis aussi pour tout autocrate autiste, dont l’évolution rend inexorablement le pouvoir politique entièrement dépendant du corps militaire, le hissant sur le piedestral illusoire du colosse aux pieds d’argile. Avec en prime, dans le contexte actuel, la crise sanitaire mondiale amplifiant les fragilités socio-économiques.
- Last but not least, parmi ses échanges avec le milieu diplomatique, le Commissaire fit une mention particulière pour les deux chancelleries africaines présentes. On pourrait déduire qu’il s’agit d’une valorisation de soi, somme toute naturelle. Mais, cela n’exclut nullement le fait que d’une part, la diplomatie sud-africaine ne manque jamais de souligner, publiquement, aux Comores comme ailleurs, son attachement aux libertés et aux valeurs démocratiques devenues les piliers de la Nation Arc-en-ciel pour lesquels N.Mandela et les siens s’attelèrent, au prix de tant de sacrifices. Et, d’autre part, le voisin Tanzanien aux liens fraternels, économiques et socioculturels pluriséculaires avec notre archipel se refuse à violer la convention internationale sur les refugiés pour plainte au Gouvernement du Colonel A.Azali. Par ailleurs, contrairement à ses habitudes vaniteuses pour la moindre apparence de succès, ce dernier se garda de toute communication portant sur la mission-éclair à Moroni, de l’ex-Président J.M.Kikwete qui s’est rendu dans l’archipel, à maintes reprises, depuis la crise séparatiste Anjouanaise.
Au bout du compte, la mission de l’UA en Union des Comores serait-elle donc d’évaluer et prévenir les risques et conséquences d’une éventuelle reproduction du scenario-catastrophe en cours sur le continent (tripatouillage constitutionnel, situation pré-insurrectionnelle, répression violente, putsch militaire) ? Quadrature du cercle vicieux vécu avec hantise (et une certaine impuissance ?) à Adis Abeba, suite aux évènements du Mali, du Tchad et de la Guinée-Conakry (âpres le Burkina-Faso). Notamment avec un environnement sous-régional marqué, à l’instar du Sahel, par l’émergence du djihadisme, notamment dans les localités Tanzaniennes et surtout Kenyanes et Mozambicaines les plus proches de l’archipel. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est clair que “l’inter-comorien” du Gozibiland se place désormais sous l’œil de l’international. Ce, juste à la veille d’une AG des NU qui ne se saurait guère se contenter d’un sempiternel discours-fleuve d’autoglorification, pour scruter l’état effectif des rapports de forces dans une société comorienne, en ébullition, qui fonctionne avec ses implosions-explosions, à l’image du Karthala.
Une petite interrogation pour close ce propos: pourquoi a t-il fallu que “Mister Allocations Etrangères” s’incruste dans une conférence de presse où il devait solliciter la parole, comme “un invité chez soi », en affichant le visage des jours de mauvaise augure, comme si une invisible épée de Damoclès planait en l’air ? Peut-être qu’il songeait tout simplement au fait que son boss préféra ne placer que les siens, à la tète des finances publiques et des juteuses sociétés d’Etat, en échange de strapontins pour ceux qui, comme lui, ont hypothéquer l’ordre constitutionnel garantissant la présidence tournante, l’autonomie des iles, ainsi que la stabilité et les alternances démocratiques régulières et pacifiques.
S.M.SOILIH
Ex-Ambassadeur auprès des NU et des USA
President du Mouvement Démocratique Alternatif pour l’Innovation et l’Ecologie
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