C’est un camarade de lutte à gauche qui s’en va.
Voici rapidement quelques souvenirs de cet homme. La première fois que je l’ai aperçu, c’était pendant la révolution soilihiste, jeune collégien, je regardais avec curiosité l’enthousiasme des lycéens qui s’étaient engagé dans l’expérience politique issue du 3 août 1975. Youssouf Saïd faisait partie de ceux qui incarnaient la direction politique dans la jeunesse révolutionnaire de l’époque. Il était souvent au volant d’une Renault 4 avec Coco Gibril Mikail .

Au plus forts moments des tensions entre les militants de l’ASEC ( Association des Stagiaires et Étudiants des Comores) et ceux de l’OJC (Organisation de la Jeunesse Comorienne) à Marseille, en tant que premier responsable de ce dernier, il menait les débats face à SMS ( Soilihi Mohamed Soilihi) un des dirigeants de l’ASEC proche du Front Démocratique.
Je garde en mémoire sa venue à Lyon, dans une Radio et une émission du FD, que nous animions à l’époque, malgré les divergences au sein du camp de la gauche comorienne. Il était accompagné de Dini Nassur , Salim Ahamada , Houmed Msaidie pour porter la parole soilihiste contre le régime des mercenaires et convaincu que nos querelles stériles ne doivent pas devenir un obstacle à l’unité de la gauche.
Une anecdote : lors d’un entretien à l’émission radiophonique «La Voix des îles Comores» à Lyon, je lui avais glissé l’idée de faire évoluer le micro-parti qu’il dirigeait avec un Monsieur orignaire de Bangwa Kuni, vers un vrai parti soilihiste. Il trouva l’idée intéressante.
Le lendemain, au meeting de Vaulx en vélin dans la banlieue lyonnaise, son discours critique et sincère sur l’expérience soilihiste attira des dizaines de militants vers ce qu’il allait devenir le pari Djawabu. Youssouf Saïd était un homme toujours à l’écoute.
Pendant qu’il travaillait à Genève pour la Francophonie, à chaque fête du 6 juillet, il ne manquait jamais l’occasion de prendre part aux festivités et la communauté comorienne de Lyon l’attendait avec impatience doublé d’un réel plaisir de voir un de leur montrer tant d’assiduité, alors qu’il devait faire des kilomètres pour y être présent.
Il connaissait mon appartenance au FD, mais il a pourtant sollicité ma contribution pour intervenir dans un colloque en hommage à Ali Soilihi un 29 mai ; le thème qu’il m’avait proposé d’étudier et développer était : « Ali Soilihi et le socialisme dans le monde». Ma gratitude pour cette confiance et la reconnaissance des mes convictions.
Il avait le talent pour trouver un mot d’encouragement ou pour rire. Lors d’un séjour à Lyon, nous l’avions reçu comme d’habitude à Radio-Canut, et le lendemain quand il m’a trouvé chez un militant de Djawabu, nommé Farouk, en répétition musicale, il fut étonné de me voir avec une guitare et un micro entrain de chanter. Il me dit: «pvanu we huri shindi, we polyvalent». Youssouf était comme ça, toujours avec le bon mot pour tout le monde.
A chaque fois qu’il venait à Lyon, il avait souvent dans ses mains la revue théorique de Lutte Ouvrière ; je profitais de l’occasion pour le taquiner sur sa proximité avec les trotskistes, alors que le soilihisme avait beaucoup emprunté au maoïsme.
Nous n’aurons plus l’occasion de parler idéologie révolutionnaire et stratégie de rassemblement de la gauche, puisqu’il vient de tirer sa révérence. Youssouf Saïd, un camarade qui malgré les aléas de la vie et les obstacles, a su garder un lien avec tout ceux qui l’ont connu dans la lutte comme dans la vie de tous les jours.
Le pays perd un grand Monsieur, la gauche un homme de très grande culture mais aussi d’un charisme naturel.
Adieu Camarade !
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