
La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné jeudi la France pour la rétention administrative puis le « renvoi expéditif » vers les Comores de deux enfants de 3 et 5 ans entrés illégalement à Mayotte.
Ces deux enfants ont été « placés en rétention administrative en compagnie d’adultes (…) et renvoyés expéditivement vers les Comores« , ce qui « n’a pu qu’engendrer une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes pour leur psychisme« , a estimé la cour qui siège à Strasbourg.
La CEDH condamne la France a verser 22.500 euros au père de famille et 10.000 euros à chacun des deux enfants, pour dommage moral.
Rappel des faits
L’affaire remonte à novembre 2013, comme l’explique le GISTI (Le Groupe d’information et de soutien des immigré⋅e⋅s)
https://www.gisti.org/spip.php?article3367
Le 14 novembre 2013, un kwassa-kwassa est intercepté par la gendarmerie au large de Mayotte. À bord se trouvent notamment deux enfants de 3 et 5 ans, nés à Mayotte mais expulsés deux ans plus tôt vers Anjouan avec leur mère. Leur père vit lui en toute légalité à Mayotte.
Après leur interpellation, ces enfants sont placés en rétention. Le jour même, alors que leur père est présent et les attend, ils sont reconduits vers les Comores, « rattachés » à un adulte sans lien de parenté avec eux, dans le cadre de l’expulsion de plus d’une centaine de personnes.
« Condamnation sévère »
« La condamnation de la France est particulièrement sévère et illustre l’arbitraire des éloignements d’étrangers en outre-mer », a commenté sur Twitter le spécialiste du droit européen Nicolas Hervieu, soulignant toutefois qu' »il aura fallu sept ans et de multiples efforts » pour en arriver à ce constat de la CEDH.
« Anormalité de la situation à Mayotte »
« Nous sommes face à une septuple violation de la Convention, ce qui est totalement exceptionnel et qui montre l’anormalité de la situation à Mayotte, aujourd’hui encore d’actualité« , a réagi Me Patrice Spinosi, avocat de la famille auprès de la CEDH. Les deux enfants vivent désormais à Mayotte « sous la garde de leur père comme cela aurait dû être le cas depuis le début », a expliqué l’avocat.
Défenseur des droits
Le Défenseur des droits qui déplore depuis plusieurs années que « Mayotte reste une terre d’exception où l’enfermement des enfants est la règle » salue dans un communiqué la condamnation de telles pratiques par la Cour européenne. Il réitère sa demande tendant « à faire évoluer la législation conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant, pour proscrire, dans toutes circonstances, le placement d’enfants en centre de rétention administrative ».
En 2019, plus de 27.000 personnes ont été reconduites à la frontière à Mayotte, dont 99% vers les Comores voisines, selon les autorités préfectorales. Dans l’archipel de 374 km2, devenu département français en 2011, 48% des 256.000 habitants sont des étrangers selon l’Insee, dont 95% sont Comoriens. Ces derniers sont nombreux à tenter la traversée depuis l’île comorienne d’Anjouan, à 70 km des côtes de Mayotte.
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