Encore une fois, la Commission de l’UA s’est lancée dans une gymnastique langagière tortueuse pour ménager le loup et l’agneau, face à l’imbroglio comorien caractérisé par une crise politico-institutionnelle, créée par celui-là même qui devrait être « garant du fonctionnement régulier des institutions ». Dans un État démocratique digne de ce nom, il serait passible d’un procès devant une Haute Cour de Justice pour haute trahison. Passons ! Après tout, il n’est pas à une forfaiture près contre cette République qui l’a nourri et lui a permis de franchir tous les rubicons et même, régulièrement, le fameux «mur du çon »

Ainsi, au nom du sacro-saint principe de souveraineté des États résumée par la notion de realpolitik, pour ne pas parler, in fine, de la reconnaissance parfois complaisante du détenteur momentané de la fonction suprême d’un pays, l’UA lui a tressé des lauriers et taillé un costume à la mesure de sa propre constitution, pourtant largement boycottée par la population (selon les observateurs de la même UA). Principal motif de satisfaction pour lui, il pourrait ainsi envisager de renouveler son mandat illégitime en 2024, pour lequel sa CRC est déjà retournée dans une campagne jamais close depuis 2016. Une campagne menée par ailleurs, avec tambours et trompettes, aux frais de la Princesse dont les ressources s’amenuisent comme une « peau de chagrin »
Mais, encore faudrait-il que l’opposition puisse accepter d’avaler cette couleuvre qui réduirait à néant des années de lutte contre une dictature criminogène et pour la restauration de l’ordre constitutionnel issu de l’Accord cadre de réconciliation nationale. Autant dire qu’il s’agit d’un scénario inenvisageable consistant à demander à l’opposition comorienne de se faire hara-kiri, juste pour que le nouveau Commissaire Paix et Sécurité affiche une performance, là où ses chevronnés prédécesseurs R.Lamamra et I.Chergui jetèrent l’éponge. Pire encore, un tel scénario pourrait entraîner un risque de dislocation de l’Etat, avec la mise sous paillasson de la tournante Anjouannaise. Ou encore, dans le meilleur des cas, une invitation à toute personne d’origine Mohelienne d’attendre 2039, pour espérer exercer son droit citoyen à une candidature à des présidentielles. Ce serait bel et bien faire prendre des vessies pour des lanternes. Or, la rectification rapide et publique d’un manquement particulièrement grave du communiqué, au sujet de l’intégrité territoriale, démontre que l’UA reste attaché à l’unité nationale des Comores dans ses frontières historiques et géographiques, internationalement reconnues.
Il n’empêche qu’à travers ce communiqué final, le galonné (qui se gargarise de sa vice-présidence et de ses soutiens au bureau de l’UA) se retrouve acculé à reconnaître que sa gouvernance est entachée de détenus politiques à libérer, et de prisonniers sans aucun jugement donc à soumettre à des procès équitables, ainsi que d’une défiance d’oppositions qui ne jouissent guère des règles et pratiques du multipartisme inhérent à toute démocratie. Et, on lui rappelle que sans changement d’une telle donne, aucun dialogue national et aucun développement basé sur la cohésion sociale (encore moins une Émergence) ne paraissent concevables !
Dans la foulée, on pourrait être tenté de croire que ce communiqué de l’UA fait écho au récent « Sommet Afrique France » de Montpellier, en mettant en exergue la nécessité impérative, pour toute démarche inclusive, d’impliquer les Organisations de la Société Civile, notamment représentatives de la jeunesse, des femmes et la diaspora. Voilà qui est bien loin de s’en tenir à des décisions préfectorales liberticides, à une Cour Suprême aux ordres et à un Parlement monocolore dont la mission de l’UA n’a jugé utile ni de les rencontrer, ni même de les mentionner dans ses rapports.
Toujours est-il que, pour un pouvoir qui claironnait en permanence au sujet d’un dialogue inter comorien visant des arrangements sans recours à la communauté internationale, le communiqué de l’UA semble s’apparenter à une douche froide. En effet, non seulement, l’UA réaffirme le fait de « rester saisi » du dossier comorien. Mais, elle entend déployer une « mission multidimensionnelle, avec un budget déjà défini ». Alors qu’avant les présidentielles 2016, ayant jugé l’Union des Comores suffisamment stabilisée, elle avait décidé de fermer son Bureau de Liaison à Moroni pour le transférer à Antananarivo.
De quoi déduire que la confrontation entre un pouvoir dictatorial et une opposition pluraliste s’annonce avec des prolongations et, vraisemblablement, pourrait se clôturer par des tirs au but !
En somme, à la question de savoir qui pourrait se révéler gagnant, notons que la sagesse populaire veut que « le mur du menteur ne tarde guère à s’écrouler » et, dans pareilles circonstances, il est permis de croire que neuf n’est nullement loin de dix…
SOILIH M.SOILIH
Ex-Ambassadeur auprès des NU et des USA
President du Parti MDAIE
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