Au moins 600 personnes ont été tuées au cours d’un massacre perpétré par des miliciens tigréens, le 9 novembre, à Mai Kadra, localité du Tigré, au début du conflit dans cette région dissidente du nord de l’Ethiopie, a annoncé, mardi 24 novembre, la Commission éthiopienne des droits de l’homme (EHRC).
Cette institution publique indépendante dont le directeur, Daniel Bekele, a été nommé par le premier ministre, Abiy Ahmed, accuse dans un rapport préliminaire une milice informelle de jeunes Tigréens et les forces de sécurité loyales aux autorités locales d’être les auteurs du « carnage » visant des saisonniers non-Tigréens.
Amnesty International avait déjà rapporté que « probablement des centaines » de civils avaient été poignardés ou tués à coups de hache le 9 novembre à Mai Kadra, atrocité connue la plus meurtrière depuis le début, le 4 novembre, de l’opération militaire lancée par le gouvernement fédéral contre les autorités régionales du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).
Tué à coups de bâton, couteau, machette ou hachette
Dans son rapport, l’EHRC accuse une milice informelle de jeunes Tigréens, appelée « Samri », épaulée par les forces de sécurité locales loyales au TPLF, d’avoir, « avant de se retirer face à l’avancée de l’armée fédérale », ciblé des paysans saisonniers « identifiés comme d’origine ethnique amhara et wolkait », travaillant dans les exploitations de sésame ou sorgho.
« Tout au long de la nuit », les auteurs ont tué à coups de bâton, couteau, machette ou hachette, ou « en étranglant avec des cordes », se livrant au pillage et à la destruction, décrit l’EHRC qui estime que ces faits « sont susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ».
S’appuyant sur des témoins et des membres du comité mis sur pied pour enterrer les victimes, « l’EHRC estime qu’au moins 600 civils ont été tués », mais « le bilan pourrait être plus élevé, certaines personnes étant toujours portées disparues lors de la visite de l’EHRC et des corps toujours dissimulés à la vue dans les champs autour de Mai Kadra ». « L’enterrement [des victimes] a duré trois jours en raison de la disparité entre le nombre élevé de corps et les capacités d’inhumation », selon son rapport.
L’ONU a appelé à une enquête indépendante pour déterminer ce qu’il s’est exactement passé à Mai Kadra, alors que le Tigré est soumis à un black out et que les déplacements des journalistes y sont sévèrement restreints. Sans se prononcer sur les auteurs du « massacre », Amnesty avait cité des témoignages l’attribuant aux forces pro-TPLF.
Cependant des habitants de Mai Kadra, ayant fui, comme 40 000 autres Ethiopiens, les combats vers le Soudan, ont accusé les forces gouvernementales d’avoir commis des atrocités dans la localité, théâtre d’intenses combats au début du conflit et depuis aux mains de forces gouvernementales.
Impasse entre Européens et Africains à l’ONU
Aux Nations unies, Européens et Africains ont étalé leurs divisions sur le sujet. La première réunion du Conseil de sécurité sur le conflit, organisée mardi, a d’abord été annulée à la demande des pays africains, pour donner plus de temps à la médiation de l’Union africaine (UA).
Mais les Européens membres du Conseil – Belgique, Allemagne, France, Estonie, Royaume-Uni – soutenus par les Etats-Unis, ont annoncé que la réunion se tiendrait bien : « A un moment donné, on doit mettre [le dossier éthiopien] à l’agenda, même si ça ne plaît pas aux Africains », a souligné un diplomate européen sous couvert d’anonymat. La réunion a bien eu lieu, sans donner lieu toutefois à une déclaration commune.
Interrogé sur les hésitations qui semblent dominer au Conseil de sécurité sur le conflit du Tigré, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a souligné que l’UA était en première ligne dans les efforts internationaux et que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres soutenait cette approche. Un nouveau communiqué de M. Guterres a souligné son inquiétude face à une possible offensive militaire dans la capitale régionale de Mekele.
Le secrétaire général « exhorte les dirigeants de l’Ethiopie à faire tout ce qui est possible pour protéger les civils, respecter les droits humains et assurer un accès humanitaire » aux populations, rapporte ce communiqué.
Source : Le Monde avec AFP
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