Chroniqueur, Écrivain, ancien Secrétaire général, du Ministère des Finances et de l’Assemblée nationale, il livre aux Amis de HaYba, son analyse de la situation politco-sociale et notamment de l’effet Djibril et la manifestation de Mtsamdu ya Washili.

« Ce que m’ont inspiré les manifestations du 22 /03/2020 à Mtsamdu Washili en regardant la vidéo de la manifestation de Mtsamudu ya Washili, la première pensée qui m’a traversé l’esprit est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres en Tunisie avec l’immolation du jeune marchand ambulant Mohamed Bouazizi.
Les manifestations qui s’en sont suivies ont embrasé tout le Maghreb et provoqué la chute d’une démocrature très dure celle du président Ben Ali. J’ai aussi pensé aux diverses provocations de certains membre du gouvernement qui ont lu l’histoire à l’envers et qui misent sur la soi- disant passivité du Comorien et sa peur de mourir oubliant les révoltes de jeunes de 68, 72, 95, lors du dernier coup d’Etat de Bob où les élèves de l’ENS suivis par la foule ont affronté Denard.
Je ne parle pas des rebellions militaires qui ont émaillé presque le règne de tous les régimes. Si un homme affamé n’a point d’oreilles, comme dit l’adage, un homme affamé et en colère n’a point peur de mourir. Tout est une question de seuil franchi ou pas. J’ai pensé aussi au mépris de l’Union de l’opposition que le pouvoir met au défi d’arriver à faire se soulever le peuple. J’ai alors émis plusieurs hypothèses.
1-cette manifestation n’est pas spontanée.
En effet les évènements de ces derniers mois avec les arrestations de plusieurs membres de l’Union de l’opposition et des rumeurs de tortures en plein air d’un d’entre eux, le comportement de Cowboy des militaires et agents de la police nationale pour soi-disant faire respecter le couvre-feu en tabassant les gens arrêtés, souvent de façon illégale et leur extorquant 25000 kmf sans aucune décharge.
Le comportement de racketteurs de ces mêmes corps de métiers contre les marchands ambulants et les poissonnières qui ont raté de quelques minutes la fermeture des marchés, fixée à 16 heures. Ces soi-disant forces de l’ordre ramassent tout simplement les marchandises les embarquent dans leurs camions militaires et s’en vont en se moquant même de leurs victimes.
L’indifférence de la hiérarchie militaire et civile concernant ces agissements laisse penser que soit ces hiérarchies sont complices, soit elles ne contrôlent pas la soldatesque sur le terrain. Les manifestations ile morte à Anjouan que les autorités s’acharnent à nier contre toute évidence.
Le silence inquiétant de l’opposition intérieure, interprété par le pouvoir comme un signe de capitulation malgré les démentis de cette opposition et la reprise des manifestations de la diaspora qui reprennent de plus en plus belle. Tout cela a été un prélude à ce qui s’est passé le 22 mars à Mtsamdu ya Washili.
2-Et si l’interdiction des activités d’Air Darassa été provoquée par des sous-marins du régime.
Chacun sait qu’aux Comores, le Anda na Mila et la religion sont les sujets les plus sensibles plus particulièrement à Ngazidja y compris les autorités françaises qui sont au courant par leur ambassade des défis lancés ouvertement au président dans les mosquées des villes et villages qui s’exprime par une désertion des orants dès que le président apparait. Il faut ajouter à cela la continuation des Grands Mariages dans les régions loin de Moroni et des villes où n’existent pas des escadrons de la mort. Je ne compte pas les refus intempestifs qui lui sont opposés dans les prières mortuaires à Ikoni, Mbéni, Itsandraa etc.
Comme on ne peut pas provoquer une immolation par le feu, le Comorien ayant effectivement peur de l’enfer promis à toute personne qui prend soi-même par sa propre volonté la vie qu’Allah lui a offerte, l’empêchement sans fondement juridique d’Air Darassa sur le territoire de l’Union des Comores alors que cette association est perçue comme le seul recours pour les malades qui doivent être évacués et les déshérités en quête de survie ressemble à une façon détournée de provoquer des soulèvements populaires.
Cet arrêté du ministre de l’intérieur est tombé à point nommé pour que la population se soulève. Je voudrais rappeler ici les rumeurs persistantes de l’éviction du ministre de l’intérieur pendant la période de formation du nouveau gouvernement devenu finalement le clone du précédent avec maintien du même ministre de l’intérieur avec juste un wagon celui de l’information soustrait à ce multi ministre. Il faut noter aussi le comportement dictatorial de ce même ministre concernant les élections du bureau de la mairie de Moroni.
Je voudrai toujours rappeler que l’actuel ministre de l’intérieur est le président de l’Amicale France Comores et ne cache pas ses ambitions de candidable à la présidentielle si jamais le président actuel ne se représentait pas en 2024.
Selon les bruits qui circulent et non encore démentis, il semblerait que Air Darassa serait financé en sous-main par une Association française mystérieuse. Si ce soutien s’avère puisqu’une enquête est ouverte par le gouvernement sur les sources financières d’Air Darassa, l’hypothèse du sous-marin ou des sous-marins se justifierait.
J’ajoute à cela le froid qui semble régner, à mon sens, entre la France et le Président actuel de l’Union des Comores qui se justifie par la nomination d’un ministre des Affaires Etrangères refusé comme ambassadeur pour escroquerie au fisc français.
Cette nomination fantaisiste pour récompenser l’ex député en charge du dossier Sambi. Pour rappel ce dernier croupit en prison cela va faire bientôt 3 ans et ceux malgré les protestations aux niveaux national et international.
N’oublions pas à ce propos le refus des autorités comoriennes de laisser visiter la prison de Sambi par l’envoyé spécial de l’ONU, sous le prétexte que Vwadjuu n’est pas une prison, mais une annexe. Dhilkamal Ministre des Affaires Etrangères est perçu certainement, côté français, comme une gifle du même degré que celle de la déclaration unilatérale de l’indépendance.
La suite des évènements, de Mtsamdu ya Washili, risque de s’inspirer de Che Guevara : encercler la ville à partir des campagnes. La solidarité des Hinya et le ras bol qui s’exprime partout dans le pays va provoquer des manifestations similaires dans d’autres régions.
Les 4000 soldats ne peuvent pas se répartir sans risque sur les 7 régions traditionnelles de Ngazidja sans oublier qu’ils doivent aussi réprimer dans les iles d’Anjouan et Mohéli elles aussi en ébullition. Imaginons ces foules en colère des 7 régions de Ngazidja déferler sur Moroni , Beit Salam et Itsandra.
Dans cette hypothèse les soldats que personne ne contrôle sauf le colonel président et son fils paniquent et tirent dans le tas comme cela risque d’arriver. De surcroit, le match des Cœlacanthes qui entrainera la focalisation des médias sur les Comores fournira une communication inespérée aux évènements.
En conclusion si les déclarations de recherche de dialogue du président sont quelque peu sincères, c’est le moment ou jamais avant que le navire Comores ne devienne un bateau ivre.
A bon entendeur salut ! Kuli lhak wa laukana murra, Dis la vérité même si elle est amère
Aboubacar B. SAID SALIM Professeur de français, Ecrivain
HaYba FM la Radio Moronienne du Monde
Pour atteindre un point de non retour, en vue d’une insurrection, Lénine donna la définition en 1917, pour sa révolution d’Octobre : « il arrive un moment où ceux d’en bas n’en veulent plus et ceux d’en haut n’en peuvent plus ».
Manifestement, on s’y approche. Comme de petits affluents disparates vers une rivière aux apparences tranquilles et inoffensives face à un pouvoir qui ne compte que sur la force brutale et la corruption de groupuscules et ayant même aux oubliettes sa propre mouvance qui n’avait de présidentielle que le nom.
Mais Fundi Abou souhaiterait faire éviter ce probable déluge à un pays déjà en proie à une crise multiple, institutionnelle, socio-economique et sanitaire, touchant même jusqu’aux valeurs religieuses et traditionnelles.
Sauf qu’en haut, l’arrogance restera la marque de fabrique et le dialogue ne serait toujours qu’un trompe-l’oeil, un attrape-nigaud, pour gagner à chaque fois un peu de temps.
Quant à la France, du moins la France officielle, elle a le regard rivé vers 2022, marqué aux fers rougis par la gestion de la pandémie. Et tout ce qui, comme au Sénégal, pourrait perturber les plans, pour cette échéance capitale, ne peut qu’être scruter à la loupe. Éventuellement, pour anticipation.
Inshallah Khair